Dix ans après le veto posé par Bercy contre la vente d'Ingenico à un groupe américain, le sujet menace de revenir à l'ordre du jour. Selon nos informations, les syndicats d'Ingenico, le spécialiste des paiements acheté l'année dernière par Worldline, envisagent de saisir le ministère des Finances pour bloquer la vente de l'activité de terminaux de paiement qui intéresse des fonds d'investissement américains.
« Les Etats européens ne cessent d'affirmer que le secteur des paiements représente un véritable enjeu de souveraineté, déclare Emmanuel Farah, délégué syndical de CFTC au sein d'Ingenico. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils sont en train de développer EPI (une solution de paiement paneuropéenne, NDLR). Est-ce que l'Etat français va accepter qu'une telle technologie passe aux mains d'un fonds américain ? »
Fin 2010, le gouvernement avait demandé à Safran, qui était alors actionnaire d'Ingenico, de ne pas vendre sa participation de 22,5 % au groupe américain Danaher , au motif que la société disposait d'un savoir-faire stratégique. A l'époque, le ministre de l'Industrie Eric Besson avait qualifié Ingenico de « pépite française […] essentielle à la filière économique ». Danaher avait dû retirer son projet d'OPA.
Emplois menacés
Dix ans plus tard, Ingenico a été intégré par Worldline, lui-même issu d'Atos. Et les activités en vente n'ont pas nécessairement la même sensibilité stratégique. Pour autant, ses terminaux de paiement sont présents dans des milliers de magasins en Europe. C'est ce qui attire les fonds américains Cerberus, Apollo et Platinum, qui sont candidats à l'achat de l'activité valorisée plus de 2,5 milliards d'euros par le vendeur, selon nos informations.
Les syndicats font valoir l'expertise de cette branche baptisée « TSS », qui compte 450 salariés selon la direction et 600 selon les organisations syndicales. Ceux-ci sont répartis entre les trois sites de Paris, Valence et Suresnes. « Il s'agit principalement d'ingénieurs et de spécialistes de la distribution, précise Alain Juy, représentant CFDT chez Ingenico. Si même ces emplois sont aujourd'hui menacés en France, c'est inquiétant. »
La branche, dont Worldline pourrait rester actionnaire, a conservé en France la R & D, tandis que la production du matériel a été délocalisée. En quarante ans, la technologie développée dans l'Hexagone a permis à Ingenico de s'imposer comme l'un des trois géants mondiaux, au côté de l'américain Verifone et du chinois PAX.
A l'heure actuelle, Ingenico vend encore 7 millions de terminaux de paiement par an dans le monde et dégage un résultat opérationnel (Ebitda) estimé entre 330 et 350 millions d'euros alléchant pour les potentiels repreneurs. Mais les syndicats craignent que ces investisseurs ne réduisent la voilure.
Parmi les candidats, certains se veulent rassurants : « les salariés devraient être au contraire rassurés du rachat par un fonds qui n'aura pas à mettre en oeuvre de synergies de coûts comme un acquéreur industriel et ce n'est pas dans notre ADN de procéder ainsi ».
Important critère de choix final
« On se sent trahi. Lors du rachat par Worldline, on nous a vendu un grand projet industriel visant à créer un géant mondial des paiements, auquel tout le monde a adhéré, ne décolère pas Alain Juy. En réalité, on comprend que Worldline n'a jamais voulu garder la branche terminal de paiement ». Les syndicats, qui n'excluent pas d'appeler à la grève, demandent le maintien de l'emploi et de la technologie sur le sol français.
Interrogé, Worldline assure avoir démarré des discussions dès le mois de mars sur la question sociale dans le cadre d'une possible vente. « Dans le cas d'une ouverture du capital de TSS à un partenaire extérieur, le groupe ne prévoit pas d'impact social en France car la stratégie de TSS est celle du développement et de la croissance ce qui constitue en soi la meilleure garantie pour l'emploi », déclare une porte-parole.
Par ailleurs, le groupe assure que « le volet social » des potentiels repreneurs constituera « un important critère de choix final ».
Terminaux de paiement d'Ingenico : les syndicats menacent de saisir Bercy - Les Échos
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