Parmi l'escadron de sanctions envoyé par les Occidentaux contre la Russie, il y en a une, qui, annoncée pendant le week-end, provoque une secousse dans le quotidien des Russes. Samedi, les deux géants mondiaux de cartes bancaires, Visa et Mastercard, ont annoncé qu'ils suspendaient leurs opérations dans le pays. Ainsi, plus aucune carte bancaire émise par l'un des deux opérateurs par une banque russe ne fonctionnera à l'étranger, et, à l'inverse, ces cartes étrangères ne pourront réaliser d'achats sur le sol russe.
Si, dans la première salve de sanctions internationales, Visa et Mastercard, ainsi que leur concurrent American Express, avaient déjà annoncé des mesures pour empêcher les banques russes d'utiliser leurs réseaux, cette dernière arme déclenche de profondes inquiétudes chez les Russes pour lesquels le monde se ferme un peu plus chaque jour.
« Si j'ai besoin d'acheter un billet d'une compagnie aérienne internationale, je dois probablement utiliser Visa ou Mastercard. Il va m'être impossible de payer avec ces cartes. Si une compagnie aérienne permet de payer avec des cartes MIR ou Union Pay, je peux l'acheter. Mais il est clair que je ne peux pas faire beaucoup d'achats sur de nombreux marchés internationaux en ligne s'ils ne permettent pas de payer avec ces cartes », explique à La Tribune Sacha* un Moscovite, qui préfère conserver l'anonymat.
Autrement dit, pour les Russes, les achats en ligne sur des sites étrangers deviennent quasiment impossibles. La solution de paiement PayPal vient aussi de suspendre son service en Russie.
« Je ne suis pas sûr que l'expérience d'achat en ligne à l'étranger sera bonne en raison des retards probables dans la livraison... », tente de tempérer ce Moscovite.
Du coup, Sacha est en quête d'alternatives :
« J'ai reçu un appel d'une banque russe spécialisée dans l'agriculture, concernant l'émission d'une carte "JCB-MIR (JCB est une entreprise japonaise de cartes de crédit ndlr)". L'opérateur indique qu'ils percevraient une commission pour une nouvelle carte de débit de 7.000 à 9.000 roubles ! (entre 47 et 61 euros ndlr) J'ai donc refusé. C'est une folie ! Peut-être qu'une autre banque offrirait une commission moins élevée... Et puis JCB étant Japonais, ils pourraient décider de rejoindre les sanctions », raconte-t-il.
L'autonomie bancaire en ligne de Mir
Outre retirer ses espèces (ou placer son argent sur les cryptomonnaies), l'autre solution est de passer par un système russe, développé depuis 2014 et les premières sanctions. Dès 2015, grâce à ce système baptisé "Mir", « les transactions (...) sont traitées sur le territoire de la Russie dans le système national de cartes de paiement (NSPK) », a rappelé dimanche la société russe concurrente des géants américains.
Selon elle, plus de 100 millions de cartes Mir ont été émises ces sept dernières années. Des pans entiers de la population sont déjà tenus d'en avoir: les retraités y sont par exemple obligés pour recevoir leur pension, tout comme les employés des organes budgétaires de l'État.
À l'expiration des cartes Visa et Mastercard en circulation, le NSPK a précisé que "la banque qui l'a émise procédera à une réémission programmée d'une nouvelle carte basée sur le système de paiement Mir"
Mais Mir a une limite de taille : il n'a essaimé que dans une poignée de pays. En dehors de la Russie, la Turquie, le Vietnam, l'Arménie et quelques autres, point de salut.
« Comme j'ai déjà obtenu une carte MIR, je pourrais effectuer des paiements dans certains pays comme la Turquie et le Vietnam si nécessaire. Mais vous ne pourrez pas retirer de l'argent avec la carte MIR en France ou aux États-Unis. Chinese Union Pay serait la seule option de carte plastique dans l'UE », détaille le Moscovite à La Tribune.
Aussi, les banques russes tentent d'avancer des arguments auprès de leurs clients afin de les retenir de se tourner vers d'autres offres :
« À partir d'aujourd'hui, toutes les cartes de la Rosselkhozbank (RSHB), de tous les systèmes de paiement, fonctionneront indéfiniment. Nos cartes ont été automatiquement prolongées. Désormais, les clients n'ont plus besoin de tenir compte de la date indiquée sur la carte. Vous pouvez continuer à utiliser vos cartes bancaires dans toute la Russie jusqu'à ce que le plastique s'use », avance la RSHB.
La solution chinoise
Depuis 2014 et les sanctions contre le régime poutinien, les relations économiques et politiques entre Moscou et Pékin se sont considérablement renforcées. A tel point que, dans un contexte de ralentissement général des exportations, celles de la Chine vers la Russie, ont, elles explosé.
Les banques russes ont donc jeté leur dévolu sur UnionPay, le leader chinois des cartes bancaires fondé en 2002.
Basée à Shanghai, l'entreprise revendique 170 millions de cartes émises à l'étranger, acceptées dans 180 pays et régions, dont la France.
En Russie, les établissements se tournent vers la solution. A commencer par la première banque du pays : « Sberbank travaille à la possibilité d'émettre des cartes co-marquées Mir-UnionPay », a expliqué le numéro un du secteur.
Elle n'est pas la seule. Selon les agences de presse russes, Rosbank, Tinkoff-Bank, Raiffeisen et MKB ont toutes indiqué travailler aussi sur ce dossier.
Vers le système interbancaire transfrontalier chinois ?
Il restera en Russie les cartes Visa et Mastercard émises par les banques russes qui vont continuer à fonctionner normalement sur le territoire jusqu'à leur date d'expiration. « Les opérations avec ces cartes sont gérées par le système national des cartes bancaires et les sanctions n'y ont aucun impact », a affirmé la Banque de Russie.
Sberbank, a elle aussi affirmé sur son compte Telegram que les cartes Visa et Mastercard émises par ses soins « peuvent être utilisées pour des opérations sur le territoire russe - pour retirer de l'argent, effectuer des virements avec le numéro de la carte, et pour des paiements sur place ou en ligne auprès de boutiques russes ».
La banque centrale a néanmoins recommandé aux Russes se rendant à l'étranger d'emporter de l'argent liquide ou la carte bancaire russe Mir dans les quelques pays ou territoires où elle est acceptée.
Enfin, avec l'exclusion du système Swift de sept banques, à compter du 12 mars débranchant du système financier international (VTB, Bank Otkritie, Novikombank, Promsvyazbank, Rossiya Bank, Sovcombank et VEB), la Russie pourrait se tourner encore davantage vers son voisin asiatique. La Chine dispose en effet de son propre système de paiement interbancaire transfrontalier (CIPS), qui fonctionne exclusivement en yuans.
(Avec AFP)
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Sacha* : le prénom a été volontairement changé afin de préserver l'anonymat dans le contexte de la nouvelle loi en Russie promulguée le vendredi 4 mars, classant en faute pénale le partage de certaines informations ou opinions.
(Avec AFP)
Paiement : privés de Visa et Mastercard, les Russes se tournent vers les cartes bancaires chinoises - La Tribune.fr
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