Pour payer leurs amendes salées pouvant parfois atteindre 2,5 millions $, les contrebandiers de cigarettes prennent des ententes de paiement avec l’État pour des montants mensuels si risibles qu’il leur faudra plus de 2000 ans avant de s’acquitter de leur dette.
Malgré une lente diminution, la contrebande de cigarettes continue d’être lucrative pour plusieurs vendeurs, petits et gros.
Selon les chiffres les plus récents, le Québec est privé d’environ 125 M$ en recettes fiscales par ce commerce illégal et c’est pour cette raison que les contrevenants doivent rembourser l’impôt qui aurait dû être payé sur chaque cigarette vendue.
Par exemple, Claude-René Cloutier, tête dirigeante d’un réseau et récidiviste de la contrebande de tabac, a de nouveau été arrêté puis condamné en 2019 pour avoir vendu plus de sept millions de cigarettes sur une période de deux ans.
Le résident de Drummondville âgé de 57 ans a été condamné à la peine maximale, soit une amende de 2,5 M$.
Celui qui avait 12 mois pour payer s’est finalement entendu avec le percepteur des amendes pour verser une somme de 100 $ chaque mois.
Le remboursement d’une telle somme lui prendra donc à ce rythme... 2083 ans avant de s’acquitter de sa dette.
Travaux compensatoires
D’autres contrevenants optent pour des travaux compensatoires afin de payer les amendes. Or, la loi permet un maximum de 1500 heures de travaux communautaires.
Ainsi, un contrevenant comme Steven Gabriel, de Kanesatake, qui a été condamné à rembourser sa dette de près de 2,4 M$ pour la saisie de 3,1 millions de cigarettes et du tabac, remboursera 1595 $ chaque heure travaillée. Une peine de 90 jours de prison à purger les fins de semaine a aussi été infligée dans son cas.
Défaut de paiement
Plusieurs individus parmi la trentaine de contrevenants dont le dossier a été analysé par Le Journal se retrouvent en défaut de paiement, et le percepteur des amendes entame alors un processus de recouvrement.
C’est le cas pour l’un des trois complices condamnés à une amende de 213 000 $ chacun, après avoir été arrêtés près du canal de Beauharnois par la Sûreté du Québec avec en leur possession 1430 kilogrammes de tabac.
Le plus jeune du groupe a fait faux bond aux autorités. Il aurait cependant peut-être intérêt à prendre une entente de paiement comme ses deux autres complices qui disposent de 355 ans à 50 $ par mois pour payer leur amende.
À noter qu’une révision de l’entente peut être faite par le percepteur des amendes, particulièrement pour ces deux contrevenants de 24 et 26 ans qui risquent de payer pendant plusieurs décennies leur erreur de jeunesse.
DES EXEMPLES D’ENTENTE
Claude-René Cloutier | Drummondville
- Date de condamnation : 19 novembre 2019
- Amende : 2,5 M$
- Délai de 12 mois pour payer
- Entente de paiement de 100 $/mois
- Il dispose de 2083 ans pour payer
Denis Roy | Sainte-Barbe
- Date de condamnation : 24 septembre 2020
- Amende : 333 333 $
- Entente de paiement : 50 $/mois
- Il dispose de 555 ans pour payer
Steven Gabriel | Kanesatake
- Date de condamnation : 20 janvier 2021
- Amende : 2 392 909 $
- Délai : 3 mois pour payer
- Engagement aux travaux compensatoires : 1500 heures
- Son travail équivaut donc à 1595,27 $ de l’heure
Serge Rolland | Drummondville
- Date de condamnation : 27 août 2019
- Amende : 1 000 000 $
- Délai de 12 mois pour payer
- 1500 heures de travaux communautaires
- Son travail équivaut donc à 667 $ de l’heure
Une dette à vie pour des contrevenants
Les trafiquants de cigarettes de contrebande sont souvent de simples fumeurs qui ne savent pas à quel point les impacts d’une telle infraction sont importants, fait valoir une avocate spécialiste dans ce genre de cause.
Si le tableau brossé par Le Journal présente les contrebandiers qui trafiquent des millions de cigarettes illégales, plusieurs petits consommateurs épinglés se retrouvent également avec des amendes dépassant régulièrement les 50 000 $.
« Souvent, c’est des gens qui ne se rendent pas compte que la police surveille énormément les cabanes à tabac », indique Me Cynthia Lacombe, qui traite souvent ce type de cause.
15 cents par cigarette
Sauf que la loi établit l’amende à environ 15 cents par cigarette, qui peut être quintuplée selon les circonstances.
« Ça monte vite, assure l’avocate, ça dépasse la capacité de payer et surtout le profit qu’ils ont pu faire. »
Plusieurs contrevenants ont tenté de contester la hauteur de ces amendes en cour en se basant sur l’article 12 de la Charte des droits et libertés pour dénoncer une « peine cruelle ou inusitée », mais ils se sont tous butés à une fin de non-recevoir des tribunaux.
« C’est une dette pure, ça ne s’effacera pas jusqu’à tant qu’on paye », affirme l’avocate.
Dossier criminel
À cela s’ajoutent un dossier criminel et, si le dossier relève des autorités fédérales comme la GRC, la saisie du véhicule sur-le-champ, de même qu’une possible peine de détention.
Des travaux compensatoires peuvent être effectués, mais cela seulement dans le cas de contrevenants qui ont fait la démonstration qu’ils ne sont pas en mesure de payer.
« Les gens ne savent pas à quel point ils vont le regretter », termine Me Cynthia Lacombe.
Malgré l’importance des amendes et le grand nombre d’années pour rembourser, les dossiers sont généralement fermés lorsqu’une personne meurt.
Un contrebandier paiera son amende pendant 2083 ans - Le Journal de Québec
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