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Monday, May 16, 2022

Pourquoi le paiement instantané ne décolle-t-il pas autant que prévu? - BFM Business

[AVIS D'EXPERT] Le paiement instantané ne décolle pas du tout à la hauteur des attentes initiales. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Encore un flop? Un de plus? Comme pour tout ce qui aura concerné les innovations de paiement, le choix des banques et, de manière générale, les comportements financiers, le paiement instantané ne décolle pas du tout à la hauteur des attentes. Et, comme souvent, la France se distingue par son conservatisme: le paiement instantané représente désormais 10% des paiements en moyenne en Europe mais seulement 3% en France (où il est autorisé depuis fin 2018), selon des données présentées par Comité national des paiements scripturaux (CNPS), une enceinte de concertation présidée par la Banque de France et qui réunit les représentants du secteur des paiements.

En soi, il n’y a rien là qui condamne son usage. Nous l’avons déjà souligné: les comportements liés aux paiements changent très lentement. Or, on aura quand même compté 20 millions de paiements instantanés au premier trimestre 2022. Ce n’est certainement pas rien mais c’est très loin de ce qui était attendu. Car, quand on a commencé à beaucoup parler du paiement instantané en 2015/2016, on considérait qu’il allait rapidement devenir la norme pour tous les paiements. Pensez : un paiement irrévocable en dix secondes, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, quand un virement bancaire classique peut prendre entre 24 et plus de 72 heures en fonction des jours ouvrés, le public allait sûrement immédiatement l’exiger.

Mais pas du tout ! Que s’est-il donc passé? Les banques ne l’ont pas toutes proposé d’emblée et l’ont rendu assez cher (environ 1€ en moyenne). Auraient-elles voulu retenir l’essor du nouvel usage, le temps de pouvoir s’organiser, qu’elles n’auraient pu mieux s’y prendre! Pour le public, l’idée s’est tout de suite installée que ces nouveaux virements sont chers, alors qu’on avait bien vécu sans eux jusque-là. Ce genre de jugement peut prendre des années à disparaître. Depuis, plusieurs établissements ont proposé des virements instantanés gratuits et les banques ont lancé l’application Paylib, qui permet des paiements entre particuliers gratuits et instantanés par simple utilisation d’un numéro de mobile. Paylib, proposé par la majorité des banques, compte déjà 25 millions d’utilisateurs mais il concentre presque à lui seul le nouvel usage, qui ne s’est pas généralisé, même entre entreprises, dans un pays où les délais de paiement sont pourtant importants (mais les paiements instantanés sont encore limités à un maximum de 15.000 €).

Aujourd’hui, à travers le CNPS, la Banque de France entend promouvoir les paiements instantanés et lance une campagne de communication. Cela participe de la consolidation du marché européen des paiements. Pourtant dans sa communication, la Banque de France se focalise sur des usages micro-locaux et domestiques: partage des frais d’un repas entre amis, ventes entre particuliers, paiement d’un artisan…

Remplacer le cash

Est-ce bien le rôle d’une Banque centrale de s’impliquer ainsi dans des micro-usages de consommation? Quels objectifs poursuit-elle exactement? Et pourquoi ne met-elle pas en avant le principal avantage du paiement instantané, qui est d’être le seul paiement électronique présentant les mêmes avantages que le cash? Même garantie de réception des fonds et même instantanéité, le virement instantané est même plus commode à utiliser que le cash, qu’il faut se procurer, transporter, conserver de manière sécurisé. Avec le virement instantané, pas besoin d’avoir l’appoint. C’est en se substituant au cash qu’il prendra vraiment son essor.

Seulement, parler de remplacement du cash fait peur. On redoute sa suppression. On s’inquiète des possibilités de surveillance, de traçage, ce qui est également lié à la perspective des monnaies numériques de Banques centrales. Tout cela fait de plus en plus peur mais ne pas en parler ne fait qu’accréditer ces inquiétudes.

Il devrait pourtant être facile de souligner que les paiements instantanés représentent une alternative intéressante au cash. Et que l’usage de ce dernier n’est pas sans contraintes, ni coûts. En quoi une Banque centrale est parfaitement fondée à souhaiter en voir baisser l’usage. Cela ne revient pas à supprimer toute monnaie fiduciaire, dont on peut plus raisonnablement envisager qu’elle sera d’un usage de plus en plus résiduel (mais il est vrai qu’on attend qu’il en aille de même pour les chèques depuis… quarante ans ; rien n’est rapide en matière de comportements de paiement!).

Il est aujourd’hui généralement acquis que, face aux rumeurs, faire comme si elles n’existaient pas est la meilleure manière de les enflammer. Dans le cas présent, il est probable que la Banque de France n’a pas voulu mettre en balance paiements instantanés et cash pour ne pas alimenter les polémiques. Ce qui va bien certainement être le cas!

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor

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