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Sunday, November 20, 2022

Une hypothèque jusqu'à ses 103 ans | La Presse - La Presse

À la longue, certaines questions deviennent des classiques. Cuisse ou poitrine ? Hublot ou allée ? Mat ou lustré ? Ces temps-ci, l’éternel dilemme « taux fixe ou variable ? » est particulièrement populaire. Car la réponse peut avoir des conséquences angoissantes comme celle de devoir encore payer sa maison passé son centième anniversaire.

C’est tout un choc qu’Annik Arvisais a ressenti en ouvrant l’enveloppe de la CIBC. La Banque lui précisait que son prêt hypothécaire serait remboursé en totalité dans 62 ans et 4 mois. « Je n’ai pas dormi de la nuit ! C’est passé de 23 à 42 ans et à 62 ans en très peu de temps. » La maison a été achetée en 2016.

Vous aurez compris qu’elle a contracté un prêt à taux variable, mais que ses paiements sont fixes. Chaque hausse de taux retarde donc le jour où elle sera libérée du poids de son hypothèque, car elle paie de moins en moins de capital.

En juillet dernier, au moment de signer son contrat avec la CIBC, elle a opté pour le taux variable à 3,75 %. Il atteint désormais 5,35 %.

Si ce taux devait se figer pour toujours, Annik ferait son dernier versement à 103 ans, me dit-elle en riant — tellement c’est burlesque –, même si elle ne la trouve pas drôle. Ce scénario n’arrivera pas, mais la propriétaire d’un service de garde en milieu familial regrette d’avoir choisi le taux variable, qu’on lui avait conseillé. « Le taux fixe était un peu plus cher. Mais c’est moins épeurant. J’ai besoin de routine. »

Bien sûr, il est impossible de changer le passé. Mais il est impératif d’agir pour l’avenir, croient deux experts du cabinet de courtage hypothécaire nesto. Car Annik ne paie actuellement que 52,19 $ par mois de capital et l’on s’attend à ce que la Banque du Canada augmente encore son taux directeur, le 7 décembre.

PHOTO FOURNIE PAR ANNIK ARVISAIS

Annik Arvisais a eu un choc en apprenant qu’elle devrait payer sa maison pendant 62 ans.

Il y a donc un risque réel pour la mère et entrepreneure d’atteindre le « taux déclencheur » ou « taux de déclenchement » (trigger rate, en anglais). Ce qui est loin d’être agréable.

Ce moment survient le jour où le paiement mensuel ne suffit plus à payer les intérêts.

Le phénomène est méconnu et peu documenté, car depuis 30 ans au Canada, les taux ont suivi une tendance baissière. Mais on n’a pas fini d’en entendre parler. En août, la Banque Royale disait que 80 000 de ses clients étaient près du taux déclencheur.

Quand il est touché, le prêteur force alors son client à augmenter son paiement mensuel. « On réamortit le solde du prêt sur 25 ans, mais exceptionnellement, ça peut aller jusqu’à 40 ans », précise Damien Charbonneau, cofondateur et chef des opérations de nesto. Le client n’a pas le choix d’accepter. L’augmentation peut être dure à encaisser, surtout en pleine période inflationniste.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Damien Charbonneau, cofondateur et chef des opérations du courtier hypothécaire nesto

Si vous possédez une hypothèque à taux variable, le « taux déclencheur » est précisé dans votre contrat.

« Mon meilleur conseil à Annik est d’augmenter ses paiements mensuels », dit Chase Belair, cofondateur et courtier principal de nesto. Cette stratégie lui permettra de gagner du temps. Elle pourrait aussi effectuer des remboursements anticipés pour réduire le capital emprunté.

Une autre possibilité est de convertir l’hypothèque pour obtenir un taux fixe. Mais bien des experts, dont ceux de nesto, croient que la majorité des hausses de taux sont derrière nous, de sorte que le moment n’est peut-être pas idéal pour exercer cette option.

Si vous êtes près du taux déclencheur, votre prêteur devrait communiquer avec vous « de manière proactive ». Du moins, c’est l’attente formulée par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) sur son site web. Il sera intéressant de voir comment les banques réagiront, et si cela aggravera l’essoufflement du marché immobilier canadien au point de fragiliser l’économie du pays, comme le suggérait récemment la Manuvie.

Un des scénarios catastrophe pour les banques, c’est d’arriver au trigger point et de forcer tout le monde à des hausses de paiement. Il y aurait assurément des défauts de paiement.

Damien Charbonneau, cofondateur et chef des opérations de nesto

C’est justement pour éviter les mauvaises surprises de ce genre que nesto préconise les paiements variables qui fluctuent comme les taux. Cette option rebute les propriétaires qui veulent les plus petits versements mensuels possibles. Mais il faut être conscient des risques inhérents à ce choix.

La bonne nouvelle pour Annik, c’est qu’elle dispose de la marge de manœuvre financière pour augmenter ses paiements hypothécaires de quelques centaines de dollars par mois. Après son dilemme « taux fixe ou variable » de l’été dernier, l’heure des choix sonne à nouveau.

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