Le contexte actuel, encore marqué par une forte inflation à 5,9% sur un an en avril, et des taux d'intérêt qui poursuivent leur hausse à la faveur du resserrement monétaire opéré par la Banque centrale européenne depuis bientôt un an, continuent de peser sur les entreprises françaises. En particulier quand il s'agit de leur trésorerie. Et pour cause, nombreux sont les dirigeants qui s'inquiètent de voir les retards de paiement de la part de leurs clients se multiplier dans les mois à venir. C'est ce qui ressort de l'enquête réalisée par la société de recouvrement, Intrum, dans 29 pays en Europe entre novembre 2022 et mars 2023 auprès de plus de 10.000 entreprises, publiée ce mardi.
Ainsi, 83% des entreprises françaises interrogées affirment s'être vues demander des délais de paiement plus longs qu'elles ne l'auraient souhaité au cours des 12 derniers mois. En outre, elles sont 60% à anticiper une hausse des retards de paiement au cours des 12 prochains mois, leurs clients ayant de plus en plus de mal à respecter leurs engagements dans le contexte économique actuel. Les entreprises s'inquiètent également de leur propre capacité à régler leurs factures dans les temps. Selon l'étude, 45% des entreprises interrogées déclarent qu'elles sont plus susceptibles de demander un allongement de leurs délais de paiement ou de risquer des retards que l'année dernière.
Une vision pessimiste pour les prochains mois
Pour autant, les pertes liées aux défauts de paiement sont, pour l'heure, stables. Seulement 29% des entreprises ont, en effet, constaté une augmentation entre 2021 et 2022 de ces pertes, souligne Intrum. Même constat du côté des entreprises déclarant payer leurs fournisseurs plus tard que ce qu'elles accepteraient de la part de leurs propres clients a peu augmenté. Un chiffre qui est passé de 34% en 2021 à 36% en 2022.
« Dans le secteur du B to B (les activités commerciales entre entreprises), bien que les entreprises annoncent qu'elles auront plus de difficulté dans leurs paiements à l'avenir, l'étude montre que l'on n'a, pour l'instant, pas observé de dégradation des délais de paiement », confirme Thomas Duvacher qui précise néanmoins que « les entrepreneurs en France n'ont pas une vision extrêmement positive de l'avenir. D'ailleurs, 59% des répondants estiment qu'il faudra au moins un an avant que l'inflation ne se stabilise autour de 2% ou à un niveau inférieur. De plus, 53% s'attendent à une hausse des taux d'intérêt et seront donc plus prudents quant à leur niveau d'endettement et leurs investissements », souligne-t-il.
Un nombre de jours de retard de paiement toujours élevé
Et pour cause, si la situation semble s'être stabilisée ces derniers mois, le délai moyen de retard de paiement reste à un niveau plus élevé que par le passé. La loi de modernisation de l'économie (LME), qui fixe depuis 2008 les règles en la matière - 60 jours à compter de la date d'émission de la facture ou 45 jours fin de mois par dérogation - ainsi que les actions mises en place par le Médiateur des entreprises, rôle créé en 2016, ont permis de réduire considérablement le nombre de jours de retard passé à 10 jours en moyenne fin 2019.
Mais « 2020 a été une année terrible. Dès le mois de mars, un grand nombre d'entreprises ont carrément arrêté de payer leurs fournisseurs entraînant une explosion du nombre de saisies sur le sujet des retards de paiement », explique Pierre Pelouzet, le Médiateur des Entreprises. « Nous avons donc mis en place un comité de crise permettant de passer de 15 à 16 jours en moyenne en 2020 à 12 jours actuellement. Ce qui est beaucoup mieux que 16, mais pas aussi bien que 10 », résume-t-il. Un seuil « qui ne diminue plus ou très marginalement, constate-t-il. Mais qui reste sur un plateau élevé et qui peut mettre en difficulté les entreprises ».
« L'inquiétude est donc évidente », confirme encore Pierre Pelouzet, soulignant le besoin de trésorerie d'autant plus nécessaire pour les entreprises que l'inflation persiste en France et en Europe. Selon l'étude d'Intrum, près de la moitié des répondants (48%) ont, en effet, déclaré que la gestion des défauts de paiement et des flux de trésorerie étaient, à date, une priorité pour la direction de leur entreprise.
Les PME et TPE particulièrement affectées
En particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME - moins de 250 personnes), les très petites entreprises (TPE - moins de 10 salariés) et les artisans. « Nous sommes dans une période où le besoin de trésorerie est crucial au vu de la flambée des prix des matières premières et de l'énergie ainsi que des hausses de salaire ». Selon l'étude, 48% des entreprises interrogées s'attendent, en effet, à ce que les employés demandent plus régulièrement des augmentations de salaire.
Les sociétés doivent donc dépenser plus pour pouvoir produire, les laissant particulièrement vulnérables aux retards de paiement.« C'est un sujet vital pour les PME, TPE et artisans avec un risque important sur le nombre de faillites », pointe le Médiateur. D'autant que, en l'absence du paiement de certaines factures, les entreprises peuvent se résoudre à emprunter auprès des banques ce qui leur coûte actuellement plus cher du fait de la hausse des taux d'intérêt.
Le Médiateur des entreprises appelle donc ces dernières, en particulier les plus petites, « à rester d'autant plus vigilantes quant aux paiements des factures », tout en mettant en avant le rôle de la médiation permettant de « recréer un dialogue entre le client et le fournisseur ».
Retards de paiement : l'inflation et la hausse des taux pèsent sur les entreprises françaises - La Tribune.fr
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