L'open banking est en train de passer un nouveau cap. La traction dont bénéficie actuellement le virement instantané et l'annonce du nouveau paquet législatif européen sur les services de paiement représentent des moteurs de croissance pour ce secteur, dont les services reposent sur l'accès en temps réel aux données bancaires des clients des établissements financiers.
L'open banking recouvre différents usages : agrégation de comptes bancaires, virement de compte à compte (également appelé initiation de paiement par virement), applications de coaching financier ou encore scoring de crédit. L'adoption croissante de cette technologie, mise en œuvre par le biais d'API ouvertes sur les SI des banques, a donné naissance à une multitude de fintechs spécialisées. Parmi les plus connues, on peut citer GoCardless, Plaid, Volt, Finicity (Mastercard), Tink (Visa), et en France Linxo, Bridge, Fintecture et Budget Insight.
Levier de souveraineté
Le cas d'usage le plus en vue de l'open banking, actuellement, est le virement de compte à compte, qui permet à un particulier ou une entreprise d’ordonner une opération de paiement par virement en cliquant simplement sur un lien (ou un bouton, un QR code…). Plus besoin de passer par les étapes d'ajout de bénéficiaire, de renseignement de l'Iban, etc. Par rapport à la carte bancaire, ce type de paiement permet au client de s'affranchir des contraintes de plafonds de dépenses mensuels, et offre au commerçant un paiement instantané et irrévocable, à un coût bien inférieur. Il est également possible de l'utiliser pour mettre en place des virements récurrents de manière moins lourde qu'un mandat de prélèvement, ce que fait par exemple la start-up Slimpay pour l'encaissement des abonnements.
Ce mode de paiement, poussé par la Commission européenne qui y voit un levier pour retrouver de la souveraineté face aux grands "schemes" de paiement internationaux comme Visa et Mastercard, est au cœur d'un projet européen d'infrastructure de paiement, baptisé EPI, mené par les grandes banques européennes, qui devrait voir le jour en 2024.
Perspectives (trop ?) optimistes
Mais la croissance est déjà là. Selon une étude de Worldpay, numéro un mondial de l'acquisition de paiement et partenaire de Volt, la valeur des transactions basées sur le virement compte à compte a progressé de 13% dans le monde entre 2021 et 2022. La société entrevoit une part de marché de 10% pour le paiement compte à compte d'ici 2026, dans l'e-commerce. BPCE table même sur 15%. Au Royaume-Uni, l'organe en charge de l'open banking a répertorié 9,3 millions de ces paiements en avril 2023, soit deux fois plus qu’en avril 2022.
Une étude du cabinet de conseil spécialisé dans les paiements Syrtals relève que ce chiffre est encore loin des plus de 2 milliards de transactions par carte mensuelles. "Dans les pays matures, plusieurs éléments expliqueraient des volumes moins significatifs qu’espéré : poids des habitudes, APIs non standardisées, performances inégales, intérêts divergents entre participants, modèle économique à améliorer… Le consommateur ne se ruera pas forcément et/ou rapidement sur ces nouvelles façons de payer, tant nous ne sommes pas démunis de modes de paiement fiables et ergonomiques", analyse Syrtals.
La facturation électronique, futur moteur ?
Aujourd'hui le virement instantané représenterait moins de 6% des virements en France. "Les conditions structurelles ne sont pas encore réunies pour permettre une explosion immédiate, car certaines banques ne le proposent pas, d'autres pas gratuitement, ce qui est un frein à l'adoption. Mais en France, la facturation électronique pourrait servir de déclencheur aux usages", estime Olivier Binet, le patron de Bridge. Pour lui, la réforme est l'occasion idéale de greffer l'initiation de paiement aux logiciels de gestion comptable utilisés par les entreprises.
L'un des objectifs majeurs de la facturation électronique est en effet de permettre "une automatisation de bout en bout qui permet d’articuler la digitalisation de la facture avec la digitalisation du paiement à l’aide de moyens de paiement performants et entièrement dématérialisés comme le virement référencé (normal ou instantané)", rappelle la Banque de France. Facture et paiement sont ainsi automatiques "réconciliés".
DSP3 va régler la question des API bancaires
L'argument des API non standardisées va quant à lui trouver sa résolution dans le nouveau paquet législatif européen sur les paiements électriques, incluant DSP3, révision de la directive DSP2. Ce nouveau cadre prévoit d'étendre la couverture fonctionnelle des API, et permettra aux banques de mettre en place un modèle économique pour des API plus performantes. DSP3 renforcera en outre la protection du consommateur contre la fraude, en prévoyant que les banques remboursent leurs clients en cas de virement effectué après une usurpation d'identité. Ce qui devrait renforcer la confiance dans ce mode de paiement.
Obligées jusqu'à présent d'investir dans des API qui ne leur rapportent rien, et face au risque d'être évincées de leurs sources de revenus liées aux paiements par carte comme les commissions d'interchange, les banques se sont lancées dans l'open banking en se rapprochant de spécialistes (Crédit Agricole a racheté Linxo, BPCE a investi dans Bridge, BNP Paribas est partenaire de Token…).
Un mode de paiement de plus pour l'e-commerce
La solution de BNP Paribas a notamment séduit Lapeyre et Kingfisher (Castorama, Brico Dépôt…). Ce type de marchand avec un panier moyen élevé est concerné au premier chef par les rejets de paiements par carte liés aux plafonds, et se trouve donc en plein dans la cible du virement instantané. "À partir de 200 euros, il y a 30% de rejet des paiements par carte", indique Olivier Binet. Bridge travaille notamment avec des cuisinistes et des sites de vente de véhicules d'occasion.
Désormais, les grands prestataires de services de paiement proposent eux aussi le virement open banking à leurs clients commerçants, à côté des autres modes de paiement. Que ce soit via une solution développée en interne (Stripe), ou via des partenariats (Adyen avec Tink). De quoi élargir un peu plus le marché du virement compte à compte.
Le virement open banking, la solution de paiement à suivre de près - Usine Digitale
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