Payer sans contact, faire ses courses sur Internet, envoyer des virements électroniques… En moins de deux ans, la crise du Covid a bouleversé nos manières d'acheter, de payer et même de gérer notre argent. Le paiement sans contact ne représentait que 9 % des transactions par carte en 2019, selon la Banque de France. En 2022, 61 % des achats par carte se sont faits sans code confidentiel !
Plus restreints en volume, les paiements par mobile ont triplé entre 2020 et 2021. Cette dématérialisation au galop reconfigure nos habitudes sans pour autant chasser les espèces, toujours le mode privilégié de règlement en boutique. Selon une enquête de la BCE, les Français possèdent d'ailleurs en moyenne 61 euros en liquide le matin dans leur portefeuille…
2. Le "sans contact" va-t-il révolutionner nos achats en magasin ?
Ancien directeur de la Réserve fédérale américaine, Paul Volcker (1927-2019) se désolait en 2010 que la dernière grande innovation en date du secteur bancaire soit… le distributeur automatique de billets ! Il serait heureux de voir que tout s'est accéléré depuis, grâce notamment au paiement sans contact. Après les transports publics (où il se généralise à bord), le sans contact devrait d'ici cinq à dix ans faire disparaître une grande partie des caisses en magasin.
À la place, ce seront les smartphones des vendeurs qui scanneront les courses et encaisseront les paiements grâce à des logiciels dédiés, dits S-POS. Apple vient d'annoncer que tous ses appareils pourraient à terme se muer en terminaux de paiement. "Des expérimentations de caisses nomades ont déjà lieu en France, explique Romain Meggle, responsable du Lab Innovation by CB (cartes bancaires). Elles aident à juger de la fiabilité du système, mais aussi de l'acceptabilité auprès des usagers. "
30 % des Français disent conserver une réserve d’argent en liquide chez eux (enquête SPACE-BCE 2022). 20 % des achats de produits de première nécessité se font en ligne (enquête SPACE BCE 2022). 33 % des montants de fraude aux paiements en 2023 sont liés à des détournements de chèque (OSMP 2022).
3. La biométrie remplacera-t-elle les cartes bancaires ?
Si les caisses sont appelées à disparaître, les cartes bancaires pourraient, elles aussi, laisser la place à de nouveaux - et étonnants - procédés d'authentification biométriques. Amazon teste ainsi dans 500 supermarchés des États-Unis un système de paiement par la paume de la main. Les clients n'ont qu'à présenter leur main, dont l'empreinte a été enregistrée, devant un lecteur pour régler leurs achats. D'autres essais sont en cours : au Brésil, Mastercard expérimente un dispositif où les clients valident leur ticket de courses par un sourire devant une caméra biométrique !
En France, le paiement par la voix a été testé l'an passé dans une station-service de l'Indre. "Les clients effectuaient au préalable des enregistrements de leur voix de trois à cinq minutes grâce à une appli, ce qui permettait de les reconnaître quand ils parlaient à la station-service automatisée ", détaille Romain Meggle. Ces innovations soulèvent pourtant des questions, en particulier sur la confidentialité des données collectées. Amazon fait ainsi l'objet d'une plainte depuis mars aux États-Unis sur les conditions de prélèvement et de stockage des données biométriques.
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4. Les monnaies électroniques vont-elles nous servir au quotidien ?
L'ultime objectif de ces paiements dématérialisés est la monnaie elle-même. Dans le sillage des premières crypto-monnaies, les devises électroniques se multiplient, émises par des entreprises (comme Paypal qui vient de lancer le Paypal USD) ou les États eux-mêmes (à l'image du e-yuan chinois distribué à quelque 260 millions de portefeuilles électroniques de particuliers). L'essor de ces e-monnaies ouvre la voie à des transactions à moindre coût puisqu'elles s'exonéreraient de frais bancaires. Pourtant, les cas d'usage restent difficiles à entrevoir du fait de l'offre déjà importante de moyens de paiement.
"Les obstacles sont moins technologiques que réglementaires et politiques, explique Louis Bertucci, chercheur à l'institut Louis-Bachelier, à Paris. Certains risques associés à leur déploiement restent mal connus et difficiles à assumer (pesant potentiellement sur la stabilité financière). Le scénario le plus probable de déploiement devrait conduire ces monnaies électroniques à se spécialiser sur certains usages avec une réglementation plafonnant les dépôts et transactions associées. "
5. À quels risques de fraude s'expose-t-on ?
La question est récurrente avec ces modes de paiement de plus en plus instantanés et dématérialisés. Pourtant, les chiffres de l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement le confirment : les taux de fraude restent limités, du fait de la généralisation de l'authentification renforcée (comme le 3D Secure qui valide les paiements par téléphone). Pour le "sans contact" ou les virements en ligne, le niveau de fraude ne dépasse pas 0,002 % des transactions effectuées en 2022 (et 0,149 % pour les paiements en ligne). Ce qui représente un risque limité par rapport aux fraudes aux chèques encore conséquentes (0,073 % de fraudes).
Les principaux risques viennent des paiements qui échappent à cette authentification renforcée (les achats de moins de 30 euros ou certains achats hors Union européenne) ainsi que des usurpations d'identité. Les cyberpirates s'y font passer pour des tiers de confiance (banque, police…) afin de faire valider à distance des paiements frauduleux. Promulguée cet été, la loi Naegelen devrait limiter ces risques en restreignant l'emploi de numéros multiples par un même usager. De nombreux fraudeurs piratent en effet les numéros de banques pour tromper leurs cibles.
"Il faut continuer à renforcer les vigilances autour des paiements"
Interview de Julien Lasalle, secrétaire de l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement.
Votre organisation, qui rassemble les principaux acteurs du secteur, a pour mission de coordonner la lutte contre les fraudes. Quel bilan tirez-vous des efforts engagés ?
L'authentification renforcée apporte davantage de sécurité sur ces types de transaction, particulièrement pour les paiements sur Internet. Mais les fraudes contournant cette protection représentent encore un montant estimé à 342 millions d'euros en 2022. Il faut donc continuer à renforcer les vigilances : ce qui ne veut pas dire tout contrôler mais différencier les paiements avec peu de risques de ceux qui demandent une surveillance accrue. À titre d'exemple, les paiements validés par une application de paiement de mobile dans laquelle une carte vient d'être enregistrée, comportent un risque de fraude plus élevé car on a constaté des cas où le fraudeur arrive à enregistrer la carte de sa victime dans son propre mobile. C'est pourquoi il peut être utile d'être vigilant sur les paiements de ce type.
L'évolution accélérée des technologies annonce-t-elle de nouveaux défis pour la prévention des fraudes ?
Bien sûr, nous devons nous adapter en continu à la diversification des modes de paiement. Un enjeu pour les années à venir concernera les paiements automatisés à travers les objets connectés. Un certain nombre d'entre eux pourraient se faire sans la présence de l'utilisateur, comme pour les réfrigérateurs connectés. Il faudra définir des cadres spécifiques. Nous suivons également l'essor de l'informatique quantique. Nos paiements sont aujourd'hui protégés par le recours à des algorithmes de chiffrement. Certaines technologies quantiques pourraient casser ces barrières. La mise en œuvre d'algorithmes résistant au quantique est un enjeu stratégique majeur à terme.
Par Régis de Closets, avec Agence Forum News
Cinq questions pour comprendre les nouveaux moyens de paiement - Sciences et Avenir
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