Au moment de payer par carte au restaurant Monza Sherbrooke Est de Montréal, les suggestions de pourboire montent jusqu’à 25 %, un montant pour le moins inusité au Québec, alors que ce mode de gratification se généralise.
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Imaginons une facture à 100 $ avant taxes. Un pourboire courant de 15 %, calculé avant les taxes, reviendrait à laisser 15 $ pour le service. En suggérant 25 %, calculé sur le total après taxes, le client paierait 28,75 $, soit près du double du pourboire conventionnel.
Pourtant, le copropriétaire du Monza, Eric Wong, ne voit pas vraiment de problème. Il blâme la machine.
«C’est le terminal qui nous force à choisir quatre options de pourcentage, se défend-il. L’option est là, si le client a vraiment eu une expérience wow, mais rien n’est forcé. C’est dommage si quelqu’un se sent mal. Moi, en tant que client, si je vois 25-30 %, ça ne va pas me forcer, je vais choisir ce que je veux.»
Il existe différents terminaux sur le marché, dont certains proviennent des États-Unis. Martin Vézina, porte-parole de l’Association Restauration Québec (ARQ), explique que certaines propositions des machines sont influencées par les pratiques américaines. Un défi, car les pourboires tout comme les salaires y sont différents de ceux qu’on voit au Québec.
Personnalisable
Pour autant, plusieurs marques et un revendeur de terminaux de paiement l’ont confirmé au Journal: c’est personnalisable. On peut activer ou non le pourboire, choisir le nombre d’options à proposer au client tout comme les pourcentages.
Mais «certains exploitants ne connaissent pas encore toutes les facettes de la programmation et ils n’ont pas configuré leur terminal», affirme le porte-parole de l’ARQ.
Dans le cas du Monza Sherbrooke Est, même si le restaurateur n’a pas changé toutes les options, il admet tout de même qu’il aurait pu choisir «15, 16, 17 et 18 %», par exemple. Mais les gérants et les serveurs en ont discuté. Ils ont conclu qu’ils étaient «à l’aise» avec les options de 15, 18, 20 et 25 %.
La question du pourboire peut être inconfortable pour plusieurs clients comme pour des employés.
Stéphanie St-Gelais est serveuse au restaurant La Piazzetta du Vieux-Longueuil. Elle dit comprendre la gêne de certains clients, elle-même trouve ça parfois «malaisant».
Le restaurant dans lequel elle travaille y porte attention.
«On s’éloigne du client [au moment du paiement], ça enlève de la pression», explique-t-elle.
Une question délicate
Et sur les terminaux, la direction a décidé de donner clairement le choix au client. Trois options sont proposées: pourboire en %, pourboire en $, aucun pourboire. Les pourcentages suggérés de 15, 18 et 20 % n’apparaissent qu’après avoir appuyé sur le bouton %.
En attendant que tous les terminaux soient configurés de manière à ne pas mettre de pression, Martin Vézina souhaite que les consommateurs «ne se sentent pas obligés par les pourcentages affichés» et rappelle que «le pourboire est à leur discrétion».
L’option proposée sur les terminaux est là pour de bon
La pandémie et la généralisation du paiement par carte ont poussé des comptoirs de plats à emporter, des boulangeries, des boucheries, des fleuristes et même des plombiers à activer l’option du pourboire sur leurs terminaux de paiement, une pratique qui semble là pour rester.
À la Boulangerie Jarry de Montréal, on a hésité à installer l’option du pourboire sur le terminal de paiement. Dominique Gauvrit, le propriétaire, ne voulait «absolument pas» que les clients se sentent obligés.
«En tant que consommateur, ça m’est déjà arrivé de ne pas vouloir laisser de pourboire pour un achat puisqu’il n’y avait pas de service à la table, explique l’entrepreneur. Mais je ne savais pas comment passer l’option... J’ai trouvé ça un peu agressant.»
Des clients le demandent
Il a finalement décidé d’activer l’option pendant la pandémie: les clients ne payaient plus en argent comptant et ils étaient nombreux à vouloir donner le pourboire à la machine. La boulangerie a donc configuré son terminal, mais «de manière à ce que ce soit facile de ne pas en laisser». Aucune suggestion de pourcentage chez eux.
Du côté de la vente de plats à emporter au comptoir des restaurants, la pratique s’est aussi développée pendant la pandémie «dans l’optique d’aider les employés» qui n’avaient plus leurs pourboires en salle, explique Martin Vézina, de l’Association Restauration Québec.
Un revenu important
Les pourboires laissés rapportent un revenu non négligeable aux employés qui les perçoivent. À la Boulangerie Jarry, Dominique Gauvrit affirme que «dès la première journée où les terminaux ont été mis en place, les pourboires ont significativement augmenté», représentant désormais pas moins de 4 ou 5 $ du salaire horaire des travailleurs.
Dans le secteur de la restauration, Martin Vézina estime qu’en situation de pénurie de personnel, «si un exploitant voulait mettre fin à la suggestion des pourboires, il va se faire dire par des employés qu’ils iront voir ailleurs parce qu’un autre le fait».
Le porte-parole de l’ARQ rappelle donc qu’en l’absence de proposition «Non» ou «Autre», le client peut toujours peser sur le bouton vert pour passer à la prochaine étape de la transaction et qu’«en aucun cas il n’existe de norme sociale établie qu’il faut donner nécessairement un pourcentage pour les commandes pour emporter au comptoir, c’est à la discrétion».
Pourboire: la généralisation du paiement par carte change les pratiques - Le Journal de Québec
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